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dimanche 13 mai 2012

Un monde postmoderne 6

Quelle nouvelle stratégie pour nos nationaux expatriés ? 
Pour un plan d'action véritablement révolutionnaire, 
au niveau des attentes des Tunisiens ! 
Le Secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires sociales en charge des intérêts de nos expatriés vient de brosser les grandes lignes de son plan d'action future à destination de cette part importante des citoyens tunisiens. Le moins que l'on peut dire est qu'il se présente comme un plan somme toute classique, d'ancienne génération en quelque sorte.
Car tout plan d'action, s'il ne tient pas compte des aspirations profondes de la population à laquelle il se destine, relève de la poudre de perlimpinpin. C'est le cas de toute stratégie qui n'ayant pas d'idéal à atteindre (quitte même à paraître illusoire ou fantasque au vu d'un principe de réalité forcément réducteur) retombe fatalement au niveau de la basse tactique, des mesures de conjoncture, une vision de courte vue. C'est que l'objectif n'étant pas ambitieux, le résultat n'ayant pas de haute finalité, l'ensemble des moyens mis en œuvre se réduit à de la gaudriole. 
Certes, le plan de Monsieur Jaziri ne manque pas de propositions devant retenir l'attention de nos ressortissants à l'étranger, mais il n'a pas de réelle ambition et surtout de vision d'avenir qui soit novatrice, au diapason des attentes de la nouvelle République tunisienne. Pour le résumer sans le caricaturer ou le dénigrer, nous dirons qu'il reste sans véritable âme.
Que propose-t-il, en fait? Rien de bien nouveau : création d'un conseil et d’un observatoire de l'émigration (sic), restructuration de l’Office des Tunisiens à l’Étranger, en régionalisant son implantation et en renforçant son réseau d'Attachés sociaux, et enfin octroi de certains avantages à nos expatriés n'ayant rien à voir avec leurs exigences autrement plus importantes que celles retenues qui sont purement matérielles. Il n'y en a, en effet, aucune, parmi les mesures retenues, comme si la longue période d'exil en France de Monsieur Houcine Jaziri ne lui a pas permis de relever les véritables préoccupations du Tunisien expatrié et qui restent une plus grande participation à la vie du pays, économique, sociale et politique.
Si l'ambition du secrétariat d'État, comme il l'affirme, est véritablement de reconfigurer le système actuel en vue d'en faire l'allié de nos expatriés, il nous faut avoir le courage de dire qu'il a raté son coup, en étant bien loin du compte avec son plan d'action tel qu'il a été présenté.
Certes, on y trouve des engagements fermes, mais ils ne sont somme toute que logiques au lendemain de la Révolution, imposés par la conjoncture économique ou ne relevant que du vœu pieux. Il en va ainsi de la récupération des locaux à la disposition de l’ex-RCD, de l'augmentation de la franchise douanière lors des retours provisoires avec plafonnement des taxes dues à 1000 DT ou de cette promesse d'agir en vue de la réduction des tarifs aériens et maritimes.
Il est vrai qu'on y parle aussi — et cela fait partie de l'urgence absolue, bien évidemment — de la révision du concept de l'action sociale et des espaces éducatifs et culturels ainsi que de l'association, par des mécanismes adéquats, de la société civile aux réalités des Tunisiens de l'Étranger. Hélas, il ne s'agit, dans le premier cas,  que d'une réflexion à mener et, dans le deuxième cas, d'un engagement pour le futur, ne concernant qu'un nombre réduit de pays (Grande-Bretagne, Maroc, Qatar et Émirats) dont on ne précise ni la nature ni les moyens de sa mise en œuvre; et enfin, dans le dernier cas, d'une pétition de principe, sans consistance réelle quand on sait à quel point la société civile en Tunisie même est déjà très peu associée aux réalités du pays.  
Il va sans dire que nous ne doutons pas de l'ambition nourrie par Monsieur Jaziri de faire de son département, moyennant la rénovation du dispositif obsolète du cacochyme Office des Tunisiens à l'Étranger, un axe focal pour les Tunisiens à l’étranger, impliquant une intervention dans la gestion des affaires consulaires. Or, comme il le concède lui-même, cette prétendue nouvelle stratégie en cours d'élaboration a besoin de rallier le consensus nécessaire à son adoption; or, elle sera bien difficile à obtenir, car elle exige bien moins un large débat, aussi bien en Tunisie qu'à l’étranger, qu'elle n'en suscite eu égard à ses graves implications quant aux complications et aux conflits qu'elle est de nature à créer.
À quoi avons-nous affaire, en effet? À un recyclage d'anciennes habitudes, la mise au goût du jour d'une antienne, le système ancien demeurant pérenne avec une méconnaissance inexcusable des réalités du pays postrévolutionnaire et de ses expatriés.
Nous détaillerons ci-après les graves lacunes du plan de Monsieur Jaziri et son esprit conformiste pour ne pas dire conservateur. Mais disons, d'ores et déjà, un mot sur quel type de stratégie il faut à la nouvelle Tunisie pour servir au mieux ses expatriés, notamment en Europe, leur principal lieu de concentration.
Et, tout d'abord, commençons par des considérations d'ordre méthodologique et épistémologique inévitables : il urge absolument de se défaire des habitudes de nomenclature et de catégorisation occidentales. Ainsi nous faut-il bannir désormais de notre vocabulaire les termes obsolètes d'émigré et d'immigré. On ne doit désormais parler que d'expatrié, terme qui a l'avantage d'être neutre, sans connotation idéologique galvaudée.
Ensuite, et dans le même ordre d'idées, il nous faut sortir du carcan de pensée occidentale comparant l'expatriation des ressortissants du Sud à de l'invasion qu'il faut contrôler alors qu'elle relève du phénomène parfaitement normal et sain pour les citoyens des pays occidentaux, occultant le fait historique, cette constante anthropologique, que le propre de l'espèce humaine, le moteur de ses progrès et même de sa survie est de bouger librement.
Le corollaire logique d'une pareille rénovation de nos catégories conceptuelles est de placer comme axe cardinal de notre diplomatie la levée à terme du visa pour tout citoyen de pays démocratique; et la Tunisie en est un, désormais.
Car la libre circulation entre pays liés par un nombre infini d'attaches n'a pas que des implications économiques et politiques; elle relève d'une vision de développement et d'une conception de civilisation. Et elle doit être au centre d'un projet de revitalisation du vieux rêve du bassin méditerranéen comme lac de paix, de coopération, d'entente et de progrès.
C'est ce à quoi ont cherché à répondre très timidement — quand ce n'était pas pour détourner l'attention des questions qui priment — les diverses stratégies de l'Europe en direction de sa rive méridionale, y compris avec le projet d'Union pour la Méditerranée qui fut un têtard politique, commençant avec les plus grosses ambitions pour finir en une forme aussi cachectique que la queue de cette larve de batracien.   
Voyons maintenant le cœur de cible du projet de Monsieur le Secrétaire d'État. Il revient à renforcer les attributions d'un corps qui n'a jamais été en mesure de réaliser le petit plus attendu de lui au sein de nos ambassades et consulats, ce corps des Attachés sociaux qui, pas plus qu'avant, ne sera pas en mesure de rationaliser l'action sociale de nos représentations, mais contribuera bien à en contrecarrer le sain déploiement.
C'est ce qui se passait sous l'ancien régime, et cela semble devoir continuer sous le prétexte fallacieux que l'on destine à l'accomplissement de l'action sociale dans nos structures diplomatiques, et surtout consulaires, un corps qui y serait dédié. De fait, il s'agit ici d'une classique ritournelle qui permettait le plus souvent à la dictature déchue d'épauler ses militants, jamais assez pléthoriques dans ses structures partisanes, par des agents censés aider les fonctionnaires des Affaires étrangères. Or, quel est le rôle de ceux-ci sinon le service de la communauté et l'action sociale? Leur faut-il des chaperons ou des supplétifs? Et s'il faut maximiser leur spécialisation sociale, ce qui est une évidence, ne doit-on pas veiller à les former pour ce faire ou nommer de vraies compétences qui existent bel et bien aux Affaires étrangères!
Durant toutes les longues années que j'ai passées au service de notre communauté en France depuis si longtemps, et malgré la qualité morale et professionnelle de certains Attachés sociaux, je n'ai vu dans leur présence dans nos structures qu'un obstacle à la qualité du service rendu et un motif supplémentaire aux querelles d'attributions et de personnes qui, comme de bien entendu, se faisaient invariablement au détriment des intérêts de notre communauté. De plus, les rares compétences que je voyais, parmi les agents du ministère des Affaires sociales, dans nos structures consulaires étaient généralement des agents locaux et moins des Attachés sociaux affectés depuis la Tunisie. Ceux-ci, s'ils étaient censés avoir des connaissances sociales, n'en avaient qu'eu égard aux lois nationales, car ils ignoraient le plus souvent tout de la nature du service de notre communauté, de ses préoccupations et des lois du pays d'accueil, leur affectation à l'étranger se faisant pour tout autre motif et/ou finalité que la défense des intérêts de nos nationaux.
Aussi pensons-nous que s'il devait rester dans nos structures consulaires des agents locaux payés sur le budget du ministère des Affaires sociales, ils devraient être ceux qui sont déjà en place depuis des lustres, quitte à être renforcés par d'autres compétences recrutées sur place. En effet, c'est grâce au travail de qualité de pareils agents, au côté de celui des agents locaux relevant du ministère des Affaires étrangères, qu'est assuré l'essentiel du rendement en nos consulats, et non par les supposées compétences envoyées de Tunisie, souvent juste pour plastronner.
Mais il nous semble plus rationnel et judicieux d'agir en vue de fondre le personnel des affaires sociales dans celui des affaires étrangères plutôt que de laisser les choses en l'état tout en les compliquant davantage, non seulement en maintenant mais en renforçant un corps (celui des Attachés sociaux envoyés en mission) qui s'est souvent révélé inutile et même pernicieux, étant à l'origine bien plus de problèmes que d'un supplément d'efficience au travail.
Il nous faut aussi prendre conscience du fait que la structure sociologique de notre communauté expatriée a changé, qu'elle n'a plus besoin d'être assistée et surtout pas encadrée. Bien mieux, ses membres sont même tout à fait en mesure de servir les intérêts de leurs compatriotes eu égard à l'incompétence avérée de certains des attachés sociaux et même des diplomates lorsqu'ils ne font qu'une sinécure de leur passage au poste auprès duquel ils sont affectés. En effet, notre communauté expatriée est riche de compétences et de talents qui n'attendent qu'une volonté sincère de nos autorités pour prêter main-forte à l'œuvre nationale de modernisation tous azimuts. Aussi, ne peut-on plus considérer le service de notre communauté du même œil qu'avant.
De fait, c'est d'une stratégie de nouvelle génération que la Tunisie a besoin, où l'action sociale sera articulée, pour une part, sur les dispositifs de coopération décentralisée et, pour une autre part, imbriquée dans les politiques de la ville des pays d'accueil. Ceux-ci, par ailleurs, ne doivent plus être considérés comme totalement étrangers puisque la plupart de nos nationaux en sont les ressortissants, non seulement en termes juridiques d'allégeance, mais aussi d'une manière disons putative, du fait de la durabilité et l'ancienneté de leur installation. C'est pour cette raison, au demeurant, que l'on envisage, dans certains pays, le principe du vote des étrangers aux élections locales.
C'est donc à une révolution de l'esprit même de l'action en faveur de notre communauté expatriée que l'on doit s'atteler, ce qui explique les considérations liminaires sur l'importance de la méthodologie et de la symbolique des actions.
Présent en France d'une manière discontinue depuis 1983, dont une quinzaine au service de nos concitoyens expatriés, et n'ayant de cesse d'observer les réalités de cette présence et d'en saisir les caractéristiques sociologiques, je crois être bien placé pour dire ce qui semble être le vrai aujourd'hui au moment où notre pays entame à son tour une entrée remarquée en postmodernité.
Comment donc réussir un service irréprochable en direction de notre communauté expatriée?
D'abord et avant tout, et je n'y reviendrai jamais assez (quitte à faire rire, mais ce serait alors le rire de l'idiot et non de Voltaire), par l'action hautement symbolique qui doit primer tout et qui s'adressera aux consciences tunisiennes en ce qu'elles ont de plus intime, soit leur sens de la dignité, et qui consiste à faire du principe de levée du visa à la circulation du Tunisien un axe fondamental de la diplomatie de son pays.
Ensuite, par le rattachement au seul ministère habilité en le domaine, le ministère des Affaires étrangères en l'occurrence, de tous les personnels présents dans nos structures diplomatiques et consulaires au service de nos compatriotes expatriés. Partant, l'actuel secrétariat d'État doit même être logiquement rattaché audit ministère et le rôle de l'Office des Tunisiens à l'Étranger refondé pour devenir, entre autres, le gestionnaire spécialisé des personnels locaux en service à l'étranger.
Cet Office pourrait aussi avoir pour tâche la conclusion de contrats de mission avec les compétences expatriées, ce qui doit devenir une pratique de base de son action, car ce sont bien nos compétences installées à l'étranger qui sont le plus à même de servir les intérêts de leurs compatriotes et d'épauler les fonctionnaires venant de Tunisie pour un temps.
C'est que la nature du travail dans nos structures à l'étranger doit changer, s'ouvrant aux mondes du savoir : à l'université, par exemple, par le biais de nos chercheurs et enseignants, aux barreaux des pays d'accueil à travers nos avocats et personnels juridiques et judiciaires, et aussi au secteur médical et paramédical moyennant des relations soutenues avec nos concitoyens en ce domaine, etc.
Un centre socioculturel, dont la création urge, peut se charger de l'essentiel de cette activité, et sa gestion pourrait être confiée à l'Office new-look. Mais là encore, il doit s'agir d'une activité socioculturelle de nouveau type, ne se suffisant plus de l'action culturelle statique, s'engageant dans des actions ambitieuses scientifiques (de recherche et d'appui à la recherche), sociales (de défense et de représentation) informationnelles (d'information, de conseil et de vulgarisation); et, en un mot, de prospection multidisciplinaire de nouvelles méthodologies d'action et de service.
C'est en étant ainsi ambitieux dans la gestion des intérêts de nos expatriés et, à travers eux, de notre pays que nous serons à la hauteur de la Révolution. Et la Tunisie a les moyens de son ambition, son élément humain, grâce à son inventivité et son originalité, étant d'une richesse infinie. Pourvu que les hommes au pouvoir actuellement ne négligent pas ce milieu foisonnant de merveilles pour un futur qui sera assurément alors à la hauteur des attentes de la Tunisie Nouvelle République !     

   
                Publié sur Nawaat