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mercredi 25 octobre 2017

Libérée Tunisie 3

Rendre justice à notre jeunesse immolée en mer




Si les circonstances du drame ayant emporté nombre  nombre de nos jeunes, au large de Kerkennah, ne sont pas encore élucidées, la certitude chez les familles et les survivants est qu’ils ont été sacrifiés sur l’autel de la bien-pensance et du conformisme logique.
Cette jeunesse à la recherche d’un meilleur avenir est en effet victime d’une opinion officielle assimilant son acte à la délinquance quand il ne relève — même si cela est de manière paroxystique — de ce que commande la survie en l’absence de tout autre moyen de le faire.

Il n’y a plus d’immigration clandestine

On parle encore à tort d’immigration clandestine quand il n’existe plus d’immigrés, leur fin ayant été même constatée par un livre ayant fait du bruit en France dans les années 80.*
Aujourd’hui, il n’y a que des expatriés; or, ils ne peuvent le faire faute d'un droit au visa, celui-ci étant systématiquement refusé aux jeunes. N’est-ce pas ainsi une incitation à franchir clandestinement la frontière ?
De plus, doit-on rappeler que l’état de clandestinité n’est devenu une infraction pénale qu’après que l’Europe se soit sortie de son sous-développement à l’issue des deux guerres mondiales en pillant les richesses des pays du Sud, ses anciennes colonies, dont notamment sa force de travail ?
Durant ce qu'on a appelé les Trente Glorieuses, cette période de prospérité économique en Europe s’étendant de 1945 à 1975, les industriels et affairistes européens venaient ainsi jusques dans les villages maghrébins y recruter des travailleurs dont on encourageait la venue spontanée en Europe. Peu importait alors si cela se faisait clandestinement, non pas en franchissant les frontières, puisqu’il n’y avait pas encore de visa à l'époque, mais en infraction aux lois sur l’emploi en vigueur.
Il n’est donc pas admissible que l’Europe, n’ayant plus besoin de la descendance de ceux qui ont fait sa prospérité, leur refuse leur droit inaliénable à circuler librement au motif qu’ils veulent immigrer. Car cela est absolument faux, la majorité des Tunisiens tentant d’atterrir en Europe ne cherchant que ces conditions de vie décentes qu’ils ne trouvent pas chez eux du fait de lois scélérates qui les empêchent même d’aimer.
Certes, on ne peut reprocher à l’Occident de ne penser qu’à ses propres intérêts, quitte à être injuste; ce qui est à reprocher c'est d'aller dans son sens, ne pas contester une telle injustice, et donc être encore plus injustice que lui. C'est ce qu'on ne reproche qu'à nos élites.

Une expatriation contrariée

Ce qui se passe chez nous d'immoral et d'illégitime, c'est de reproduire la fausse conception ayant cours en Europe relativement du droit à circuler librement au point d’assimiler à des délinquants les jeunes dont le seul tort est de chercher leur dignité en tenant à échapper aux contrariétés à leur droit à s'expatrier.
Si note armée maritime est innocente de ce qu’on lui reproche aujourd'hui, elle n’est pas moins coupable — tout autant que la plupart de nos élites, politiques surtout — de considérer en délinquants ces jeunes qui osent le risque de s’immoler en mer pour survivre dignement. S'ils le sont, ce ne serait que par défaut du fait d'une expatriation contrariée.
En effet, la délinquance n'est que l’accomplissement de délits répétés, considérés sous leur aspect social; or, l’acte de traverser illégalement nos frontières ne peut y être assimilé du moment qu'il demeure le seul moyen dont disposent ces jeunes pour circuler librement, leur droit imprescriptible. La délinquance serait plutôt d'empêcher l'accès au droit à circuler librement et qui, en étant exercé illégalement mais dans un milieu de contraintes illégitimes, serait même l’acte licite par excellence !
N’oublions pas que l’étymologie du mot délinquance dérive du français classique délinquer voulant dire « manquer au devoir », lui-même issu du latin classique délictum signifiant « ce qui est en faute ».

Exiger le visa de circulation

Exercer son droit à circuler librement par le moyen approprié ne peut être manquer à un devoir quand c’est la seule façon d’obtenir le droit que nul ne conteste. Aussi, ce ne sont pas les jeunes qui « brûlent » qui sont en faute, mais ceux qui les empêchent de rentrer dans leurs droits et qui ne font rien pour que cela se fasse sans risques ni périls.
C’est bien le cas de nos politiciens qui, non seulement acceptent le discours occidental sur la fermeture des frontières, devenu inepte, mais coopèrent dans l’illégalité à le mettre à exécution. Une telle coopération malvenue est déjà par l’acceptation de l'atteinte majeure à la souveraineté nationale qu'est d'accepter le relevé des empreintes digitales des ressortissants tunisiens par des autorités étrangères sur notre territoire sans contrepartie sérieuse. N’est-ce pas une nouvelle forme de capitulations ?      
La seule contrepartie valable à une telle infraction au droit international est l’admission libre de ces ressortissants dont on prélève les empreintes, une garantie suffisante de sécurité pour leur délivrer, non pas un visa touristique  de court séjour avec entrées limitées, mais un visa de circulation valable au moins un an, délivré gratuitement pour des entrées multiples.
Voilà ce que  nos autorités diplomatiques de doivent, non seulement demander, mais exiger même de leurs partenaires au nom de la dignité du Tunisien et de ses efforts sérieux vers la démocratie qui ne peut se faire en vas clos. C'est la seule compensation valide à leur énorme concession sur un attribut majeur de la souveraineté nationale.
C’est ce qu’ils auraient dû revendiquer, d'ailleurs, depuis le coup du peuple tunisien, sa révolution qui a été pour la dignité; car circuler librement est sa première manifestation.  Que ne le ferait-on donc à la veille du septième anniversaire de la Révolution ?
C’est ainsi, pour le moins, qu’on rendra justice le plus sûrement à nos jeunes qui, assurément, n’arrêteront pas de vouloir franchir la Méditerranée au risque d y périr, car c’est la seule façon qui leur reste de manifester cette volonté de vivre en eux déjà magnifiée par leur poète.
  
* Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber, La Fin des immigrés, Seuil, 1984.   


Publié sur le magazine Réalités 
n° 1661 du 27/10 au 2/11/2017